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Belle transition !

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Pourquoi Belle transition !?


Une véritable fabrique du beau s'est mise en marche pour promouvoir de nouvelles ruptures technologiques, et mettre en avant une transition écologique essentiellement fondée sur la superposition d'intérêts économiques (ceux des énergies fossiles et ceux des énergies renouvelables par exemple), sans attendre la vérification de la pertinence des options choisies.

 

Question : qui voudrait (individus, collectifs, entreprises, institutions) adhérer à un projet de mutation ou de transition écologique s'il ne peut pas être reconnu comme prometteur par tous les grands pouvoirs ?

Ce projet doit être un vrai cadeau de Noël, et la mobilisation une fête réussie. La route solaire (véridique et d'actualité, un prototype venant d'être inauguré dans l'Orne) en est le ruban... Les symboles seront peut-être coûteux, mais ils seront brillants !

C'est dit, Belle transition ! ne sera pas trouble-fête : nous nous laisserons aussi tentés par l'enthousiasme contagieux...

 

Transition HlD ecran

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les innovations et les nouvelles technologies nous intéressent, mais nous convaincront-elles vraiment après examen plus approfondi ? Disons que nous voudrions les regarder d'un peu plus près, et voir ce qu'elles cachent, parfois sans mauvaises intentions, dans les révélations et les oublis au sujet des avancées réelles qu'elles permettent d'atteindre.

Belle transition ! sera donc contestataire, inspirée par le même air du large qui donne à Hélène Le Dauphin, illustratrice indépendante, ce vertige exprimé avec tant de sincérité sur cette aquarelle hivernale.

Au fond, il s'agit de répondre à cette question : la beauté de la transition conçue et diffusée par les voix les plus amplifiées n'est-elle pas uniquement et tristement superficielle ?

Voici donc où se situe Belle transition ! : entre enthousiasme de voir tous les efforts de ce que nous appellerons l'ingéniosité équipée (sous entendu, équipée des fruits des nouvelles technologies, ou d'autres innovations) aboutir à une transition écologique sérieuse, et regard critique face aux opérations de blanchiment environnemental qui sont malheureusement orchestrées autour d'elle.

Mettons-nous au travail pour contrer toutes les formes de défaitisme, et mesurons le chemin qu'il reste à parcourir en montrant où se cachent les manipulations...

Bienvenue dans Belle transition !


 
Texte François Fuchs

Agronome, animateur du projet Sources alimentaires info, rédacteur pour Belle transition !

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Illustration Hélène Le Dauphin

Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Site web : http://heleneledauphin.blogspot.fr/

 

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Les événements récents autour de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes montrent les conséquences d'une absence de capacité de notre société à organiser des processus de concertation sur les choix d'aménagement et d'infrastructures qui pèseront sur l'économie et l'attractivité des territoires dans les décennies à venir. Mais il ne s'agit pas simplement d'une lacune de démocratie : la source de l'ambiguïté se situe sur la façon dont nous voulons entreprendre une réduction des transports et une relocalisation des activités.

Qui sait aujourd'hui combien de camionsVignettesH relocalisation

et de kilomètres parcourus

se cachent derrière le rayon fruits

et légumes frais d'un supermarché ?


Un avenir gravé dans le bitume

Le développement des transports reste un marqueur de la santé de l'économie d'un pays comme la France. Si le trafic baisse, sur les routes ou dans les airs, pour les transports de personnes ou de marchandises, c'est l'inquiétude. Avions et poids lourds, avec toutes leurs industries, tous leurs sous-traitants, et tous leurs usages, sont indiscutablement un pilier de l'économie actuelle, autant qu'ils sont une des sources majeures d'émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) liées aux activités humaines.

Nos modes de vie, aussi étendue soit la gamme de variation de nos habitudes de consommation, sont intimement liées aux transports. Le repas de l'entrée au dessert, les matériels et matériaux qui nous entourent, et au-delà, c'est toute la solidité du système socio-économique environnant qui repose sur cette liberté d'aller et venir, de “faire aller” et de “faire venir”.

Et spontanément tant de forces agissent conjointement pour faire perdurer cette économie, et pour ralentir plus ou moins ouvertement les tentatives de remise en question. Le mot transport n'apparaît pas une seule fois dans les 39 pages de l'accord de Paris (COP21, déc. 2015), convention-cadre sur les changements climatiques.

Belle transition, illustration 1, octobre 2016


La comptabilité environnementale à la rue

L'information sur les transports et l'importance de leur contribution à la consommation des ressources et au changement climatique reste dispersée. C'est un constat terrible : en 2020, dans notre pays et dans toute l'Europe, la responsabilité des Transports Routiers de Marchandises (TRM) vis-à-vis des grands enjeux environnementaux n'est pas clairement établie, même par le Réseau Action Climat. Les chercheurs, les statisticiens, les administrations et les professionnels du secteur jouent encore à cache-cache pour ne pas faire toute la lumière sur les processus consommateurs et émetteurs liés directement (lorsqu'un camion roule sur une route) et indirectement (lors de la fabrication du camion et de l'entretien de la route) aux TRM.

Toute la matière grise mobilisée pour préparer l'affichage environnemental sur les produits (notamment alimentaires) n'a pas donné le résultat de ses calculs… Qui sait aujourd'hui combien de camions et de kilomètres parcourus se cachent derrière le rayon fruits et légumes frais d'un supermarché ? Tout ceci est resté “secret défense” ou presque, au désespoir des scientifiques de l'évaluation environnementale qui auraient sans doute voulu aller un peu plus loin dans cette direction.

Aujourd'hui peu de gens savent ce qu'une usine de fabrication de camions coûte en termes de ressources (minerais, énergie, etc.) et d'émissions de CO2. Ils sont encore plus rares et plus discrets ceux qui peuvent y ajouter les coûts environnementaux (ressources et émissions) de l'ensemble de leurs fournisseurs en amont et de leurs clients en aval.

Donc, nous ne saurons pas ce que le climat de demain devra aux transports français, européens, et mondiaux !

 Mystère et boule de caoutchouc...

Des données manquantes ou dispersées pour connaître l'impact environnemental  des transports routiers de marchandises (TRM) :

- Le coût ressources et émissions de la fabrication d'un camion,
- Le rythme de renouvellement de la flotte de camions européenne,
- Le coût ressources et émissions de l'ensemble des services d'entretien de la flotte de camions européenne,
- La somme des consommations annuelles de carburants pour les TRM.
- La part des travaux de réfection des routes imputables au trafic de camions des TRM,
- Le coût ressources et émissions des travaux de réfection des routes empruntés par les camions en Europe.

La relocalisation au cas où

Lorsqu'un territoire n'est pas insulaire et a plus d'une corde à son arc, ses acteurs économiques dont le développement s'est appuyé sur l'import-export pourraient être sincèrement intéressés par une réorientation des marchés en faveur de circuits plus locaux.

La piste d'une production mieux répartie géographiquement pour couvrir les besoins divers et variés de la population locale n'est pour autant pas prise au sérieux. Pas même la possibilité de voir se dessiner une mosaïque de territoires adjacents se dotant chacun d'une agriculture, d'un artisanat, d'une industrie suffisamment diversifiés pour couvrir l'essentiel de ses besoins.

La Stratégie Nationale de transition écologique vers un Développement Durable française (SNDD) 2015-2020 ne cache pas son renoncement sur ce terrain : la relocalisation de l'économie – ce terme n'y apparaissant d'ailleurs qu'une fois – y est rangée au rayon des stratégies de repli au cas où le changement climatique viendrait perturber l'ordre économique établi.

Les flux de denrées alimentaires, pondéreuses et périssables, sont considérables. Le réseau d'intérêts économiques très serré qu'ils tissent ne crée pas les conditions favorables pour faire émerger une alternative au mode de développement dominant actuel auquel tant d'acteurs économiques sont attachés. La relocalisation doit compter sur les agriculteurs eux-mêmes et les circuits courts qu'ils mettent en place avec les consommateurs et leurs partenaires associatifs et institutionnels les moins imbriqués dans les filières longues.


« Etes-vous favorable au projet…? »

L'alternative au “tout camion, tout avion” doit être développée avec des arguments économiques pour pouvoir convaincre. Le choix proposé lors de la consultation pour ou contre le transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes est révélateur de notre manque collectif de capacité à élaborer et à porter à la connaissance d'un large public l'existence d'un projet alternatif, intéressant au plan économique, et rendu possible par l'abandon de l'option de transfert de l'aéroport.

Si une majorité des habitants d'un territoire attend une relance économique liée à un projet d'infrastructure, elle est alors moins sensible aux slogans appelant au respect de l'environnement avant tout (tel celui-ci : « Oui au bocage, Non au carnage »). Elle serait éventuellement demandeuse d'une autre perspective de surcroît d'activité pour l'économie locale fondée sur d'autres aménagements, d'autres investissements, permettant aussi d'envisager l'avenir. Il aurait été sans doute judicieux de proposer de choisir entre deux projets aux effets économiques (à court et long termes) comparables, se différenciant par le contenu des activités induites et la nature des emplois créés.


L'irrédentisme spontané face aux promoteurs

En fixant les positions du débat entre le camp de la sanctuarisation des Zones d'Aménagement Différées et celui de l'artificialisation d'une zone humide comme passage obligé de la croissance et de la mondialisation, c'est la possibilité d'une entente autour d'une forme de transition écologique du territoire qui est écartée.

Elle serait constituée, cette transition, d'une association de sources d'activités plus ou moins créatrices d'emplois et plus ou moins soutenables pour l'environnement. Association non pas figée, mais en évolution et traversée par un impératif de relocalisation progressive et volontaire de l'économie, le regard tourné vers la diminution de ses impacts environnementaux au fur et à mesure qu'elle crée davantage d'activités, et que ces activités se transforment.

Nous sommes des témoins étonnés de la force persuasive d'une économie “du kérosène et des poids lourds” : elle est encore de notre temps ! Face à elle, nous constatons la timidité voire l'absence d'ouverture sur une diversité de projets et sur un projet alternatif construit et capable d'emporter l'adhésion. Quand la confrontation prend un tour “physique”, précisément là où les travaux sont prévus, et qu'un front de résistance s'organise, de toute évidence ce n'est pas une fabrique des plans B qui se met en place. Il s'agit pour les opposants anti-légalistes, et ceux qui les soutiennent dans leur radicalité, de renverser le système et l'état avec ses accointances industrielles, au moins à l'échelle de la parcelle.

Une nouvelle forme d'irrédentisme voit ici le jour, nomade et spontané, où la terre appartient au militant qui la jardine. Et cet irrédentisme aussi généreux et plein d'espoir s'impose comme la seule contestation consistante capable de tenir tête aux promoteurs d'un projet réduit à sa dimension destructrice. En conclusion : tous les ingrédients de l'impasse.

Belle transition, illustration 2, octobre 2016


Pour une stratégie de dénouement au secours de la transition

Les innovations ne suffiraient pas à apporter la solution. La transition, même si elle concerne le territoire, reste souvent une notion abstraite, et l'état final auquel elle conduit ne fait sans doute pas consensus : une transition, mais vers où ?

Avec sans doute l'appui de nouveaux acteurs et des moyens appropriés*, dans le cas des projets d'infrastructures, et pour cette tension de grande ampleur entre transports et relocalisation, le rapprochement des points de vue doit se faire.

Le combat frontal entre les “grands projets” et les partisans de l'occupation des terrains par de petites communautés rurales autosuffisantes ne peut pas être une fin, ni même une étape. L'inertie d'un système fondé sur le kérosène et les poids lourds doit être confrontée à la nécessité d'une progression vers l'équilibre entre les services attendus par les acteurs du territoire : emploi, revenu, mais aussi bien-être, préservation de la ressource en eau, de la faune et de la flore…

Cette progression ou transition demande de se projeter vers un dénouement possible, et qu'un cap soit donné et partagé. A force de (vrais) choix, de reconversions expérimentées et rendues possibles, d'arrivées de nouveaux acteurs, de ré-attributions de moyens, d'innovations organisationnelles : assurer le développement qu'ils souhaitent aux habitants, et en faisant de la terre un jardin.

 
François Fuchs

Agronome, animateur du projet Sources alimentaires info, rédacteur pour Belle transition !

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Illustrations par Hélène Le Dauphin

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* : Un exemple de situation conflictuelle avec laquelle nous pouvons faire un parallèle ici (il s'agit bien de concilier des enjeux économiques et environnementaux) nous est donné par le retour des loups et des ours dans les montagnes françaises. Depuis peu, une association propose de former des volontaires pour accompagner les bergers dans les alpages avec leur troupeau, au moment où leur travail se complique en présence des prédateurs. C'est donc la voie d'un dénouement : avec l'apparition de nouveaux acteurs, pour faire reconnaître que la cohabitation carnivores-éleveurs-herbivores n'est pas infaisable. Dans un contexte où il est de plus en plus clair que les ours et les loups ont leur raison d'être. Quand l'élevage extensif s'est développé dans les zones montagneuses, l'ours et le loup sont apparus comme des obstacles, et ont été éliminés, et la question d'une éventuelle cohabitation pacifique, si elle se posait, a été remise à plus tard. 

Pour en savoir plus : association FERUS, lien vers la page web consacrée au pastoralisme.

 

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Le filon du savoir-faire français pour le verdissement de l'économie sera nécessaire mais pas suffisant pour une véritable transition écologique. Les processus de négociations de l'accord de Paris et d'autres contrats locaux ou globaux ne montrent pas une simple "victoire du pouvoir de la finance" comme cela est souvent dénoncé. Nous sommes plutôt témoins, et parfois complices, d'une manœuvre plus insidieuse et contagieuse, à savoir la séparation entre l'action et les doutes à avoir à son sujet.

 

Croissance verte, une histoire de branches

Deux dispositifs mis en place avant la COP21 et portés avec un certain volontarisme par l'Etat français, ainsi que l'accord de Paris lui-même, sont révélateurs d'une nouvelle ambition sur les questions environnementales.

Il s'agit de la Stratégie Nationale de Transition Ecologique vers le Développement Durable (SNTEDD), tournée vers tous les acteurs de la société, et de l'initiative "4 pour 1000" pour le stockage de carbone dans les sols, concernant plus particulièrement les activités agricoles et forestières.

Dans un contexte où il est assez unanimement reconnu que la lutte contre le changement climatique est un défi considérable et que l'humanité peine à se mettre en marche à la bonne vitesse et avec la bonne boussole pour, au moins, le ralentir, nous souhaitons mettre l'accent sur la disproportion persistante entre les enjeux et la réponse apportée, au moment où pourtant, un certain virage est pris collectivement.

Il nous semble ainsi primordial de faire la part de choses entre, d'une part, les tentatives de s'accorder collectivement sur la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) pour éviter la catastrophe climatique, et d'autre part, ce qui fait défaut pour métamorphoser un développement économique global encore pleinement dépendant des énergies fossiles, dont nous transférons un peu plus chaque jour le contenu carbone (sous forme de CO2 et avec d'autres GES) vers l'atmosphère.

 

Comment savoir quelle sorte de transition écologique est réellement en marche ?


Voyons comment en France, puis dans cette COP21 marquée aussi par un certain "état d'esprit français" sur ces questions, la préoccupation cruciale de l'écart entre l'ambition affichée et les forces réelles en présence, et de l'analyse continuelle de cet écart, est passée sous silence au profit d'une communication positive sur des solutions fournies clé en main.

La SNTEDD succède à une serie de versions d'une stratégie nationale de développement durable chargée d'idées qui n'ont pas donné lieu à des applications de grande envergure, ni débouché sur les résultats escomptés. Elle propose cette fois-ci un changement d'optique sensé ouvrir sur de nouvelles formes concrètes de mobilisations, et redéfinit des priorités (en se privant d'un volet "immigration" au passage, qui existait dans les éditions précédentes).

L'ensemble consiste – que cela soit délibéré ou non – à faire entendre aux acteurs économiques qu'ils ont désormais tout intérêt à mettre en avant leurs atouts d'ingéniosité, de savoir-faire, de technologie, pour être compétitifs sur un marché émergent des complicités avec la "croissance verte". C'est à dire, de valoriser toutes les contributions qui rendraient cette communication rapprochant économie et écologie crédible.


Les entreprises industrieuses comme réponse au changement climatique


Il y a bien un postulat qui dit que l'accroissement économique - c'est à dire l'augmentation de nos besoins, couverte par celle de nos activités pour y répondre, avec un solde positif de cette opération – est compatible avec la réduction significative de nos impacts négatifs sur l'environnement et la maîtrise de leurs conséquences.

Nous entrons depuis quelques années dans l'ère de la démonstration de ce postulat par l'exemple : oui, des technologies de substitution sont mises au point – comme du côté des énergies renouvelables – et nous pouvons les adopter ! C'est en tout cas ce qui est convenu.

Et où est l'enjeu réel de cette démonstration ? De toute évidence il s'agit avant tout de confirmer une hypothétique synergie possible entre la croissance économique telle que nous la concevons aujourd'hui et les actions à mener de toute urgence pour préserver de grands équilibres écologiques. Hypothèse qui sous-tend a priori l'expression "croissance verte".
Et parallèlement, nous mettons de côté l'analyse de la capacité présumée de nos inventions à changer profondément le métabolisme de notre développement (donc pas simplement "pas à pas", de proche en proche, ou par "petites touches"), ce qui nous situerait sur le terrain de l'évaluation des promesses de la transition et de ses résultats au regard de l'enjeu planétaire...

Dans la SNTEDD, il s'agit avant tout de donner du crédit à cette croyance qu'il existerait une rencontre fructueuse entre un certain modèle économique et de nouveaux impératifs écologiques. Il n'est donc pas question de vérifier ensemble que nos façons de penser et d'agir, nos initiatives, répondent bien au problème posé. Si il s'agit de convaincre avec des solutions, et que nous sommes déjà dans l'action, il n'est plus temps de prendre du recul, de détecter les limites de ce que nous proposons. Et le silence s'installe à la place de l'inventaire des critiques et des doutes légitimes. Le temps de la COP21 a sans doute constitué une sorte de paroxysme de cette tendance. Avec l'externalisation des questionnements au sujet du bien-fondé des objectifs et des modes d'action décidés collectivement et en passe d'être gravés dans le marbre.


Le doute dedans plutôt que dehors : une humilité à retrouver dans l'action contre le changement climatique

 

Le processus de signature de l'accord de Paris lors de la COP21 n'aurait sans doute pas suscité autant d'émotion s'il s'était agit, avec un peu de pondération, de reconnaître une "certaine capacité d'action" assortie d'une interrogation sincère sur nos chances de réussite pour freiner l'évolution du climat de la planète.

Mais quand la promesse de l'action universelle ne se dote pas d'un doute aussi universel au sujet de l'efficacité de ce qui est entrepris au regard des enjeux considérables qu'il s'agit d'affronter, où en sommes-nous ?
Sans doute pas très loin de ce qui reste un exercice d'autopersuasion, pour nous confirmer à nous-mêmes, rassemblés en une sorte de communauté, que nous sommes dans le vrai.

En préparant la COP21, les sciences agronomiques et leurs partenariats public-privé ont joué sur la même corde exaltante du "nous y sommes !". Du côté de la capacité des sols à absorber les émissions de GES de l'humanité toute entière, la confusion vient de la facilité avec laquelle un discours officiel s'appuie sur des observations scientifiques incontestables (oui, nous pouvons mesurer la capacité de stockage de carbone de certains sols, dans les prairies pérennes par exemple) pour envisager une généralisation planétaire de ce constat transformé en solution.   

Au secours du climat

 Au moment d'applaudir à l'annonce d'un essai, d'une tentative... en la dissociant des questionnements sur sa faisabilité et sa portée (questionnements en l'absence desquels nous devrions bien nous garder de nous réjouir trop vite), nous nous fédérons autour d'une intention, d'une proclamation, alors que nous sommes déjà privés du bénéfice du doute, de la remise en question légitime dont elle n'aurait pas dûe se séparer.

Ainsi nous avons le droit de nous interroger : dans quelles conditions le taux de 4 pour 1000 peut se vérifier, quelles surfaces pourront être vouées à de tels objectifs de stockage de carbone dans les années qui viennent, etc. ?

 

Bientôt un brevet pour la chlorophylle ?


Ce n'est pas nouveau, si nous cédons si facilement à la sidération (SNTEDD, COP21, initiative 4 pour 1000, et d'autres) devant les solutions non accompagnées des mises en garde sur leur pertinence et de vérification de leur efficacité, c'est bien souvent parce que nous attendons la récolte imminente des profits qu'elle peuvent apporter à court terme.

Par exemple, si nous décidons ensemble que la chlorophylle est la solution car elle permet la photosynthèse et donc la "fixation" du CO2, les mieux placés pour défendre la thèse d'une révolution pour lutter contre le changement climatique grâce à elle, seront ceux qui auront pris un peu d'avance en faisant breveter une nouvelle chlorophylle, et qui seront prêts à en vendre à une clientèle prête à croire au miracle annoncé.

La logique à l'œuvre ne peut donc pas porter avec elle le manuel de ses propres doutes. C'est une solution à but commercial, elle n'est pas mise en discussion, ou en tout cas pas encore.

Attirons l'attention de tous les petits et grands signataires de nos petits et grands accords sur le climat, de tous ceux qui fondent beaucoup d'espoir sur leur mise en œuvre, et de leurs détracteurs aussi : quand la mobilisation pour le climat ou les grands enjeux environnementaux fait l'économie de sa propre revue critique et ne présente pas ses atouts et ses faiblesses, quand elle ne publie pas le "rapport de ses doutes", c'est que nous avons basculé dans le commerce des solutions présentées comme les meilleures.

Il ne peut plus alors être question d'universalité : c'est le marché de dupes qui l'emporte, renvoyant dos à dos ceux qui ferment les yeux pour ne pas voir les faiblesses de ce qu'ils vendent, et ceux qui ne sont pas informés de la face cachée de ce qu'ils achètent.

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Pour retrouver et commenter cet article publié sur le Blog Mediapart de François Fuchs, suivez ce lien.

 

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Texte François Fuchs

Agronome, animateur du projet Sources alimentaires info, rédacteur pour Belle transition !

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Illustration Hélène Le Dauphin

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